Place de la Régence
« Que lui restait-il à prouver, lui, l'unique lampe dont la clarté veille sur le sommeil de ses troupes lui, qui avait imprimé ses oukases dans le roc ? Il pouvait voyager, se promener en fiacre, remonter les ruelles tortueuses, son pas martelant les noirs pavés, bénir les veuves, les estropiés et les enfants.
Il pouvait s'insinuer, froide lame entre chair et ongle, creuser de profonds sillons sur la face livide de la contrée, visage lardé de coups de sabres, de longs couteaux terre à la merci du vizir, du gouverneur car, dans cette nuit moite, il se comparait déjà à la sève qui circule entre arbre et écorce, au sang charriant l'indispensable oxygène, au vent pliant les plaines où le blé abonde, visant les épi de leur grain épais comme le sein des vierges . Il voyait sa statue érigée à chaque carrefour de la contrée, son regard fixant les foules silencieuses et inclinées, prêtes à glaner sa moindre pensée. Et il voyait la livide face du roi dominant la Régence, royaume dont il voulait devenir le nouveau prince. »
Avec sa plus acérée et ses mots au vitriol, Abderrezak Hellal, dans cette place de la Régence, se dresse contre l'autocratie et l'Autocrate qui considère le peuple comme Panurge son troupeau de moutons.
Abderrezak Hellal est un cinéaste et réalisateur de télévision. Il a publié 1830, Entre l'olivier et la rocaille et images d'une révolution.
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