Nadia CHELLIG, a été enseignante à l'université d'Alger et chercheur au CNRPAH elle est actuellement professeure des universités de socio-anthropologie et directrice du laboratoire de l'analyse des espaces , du développement et des changements sociaux.(LADEL/LAS Université de Haute-Bretagne UHB-Rennes2).
Le système socio-économique qui fondait l'agro-pastoralisme ne peut plus se reproduire. Mais il ne disparait pas pour autant. Il y a ainsi reconduction de pratiques dites traditionnelles dans les nouveaux codes socio-économiques que favorise la pénétration capitaliste en Algérie :
Celle-ci se greffe sur ce qui se maintient de l'organisation domestique des groupes vivant dans la logique sécrétée par les mécanismes économico-politiques produits dans le cadre de l'ancienne complémentarité autarcique entre agriculture et élevage ovin. De plus, si d'un coté le monde de production qui caractérisait la société agro-pastorale ne se reproduit plus, il s'opère, de l'autre, des phénomènes compensatoires. Ce qui expliquerait que le capital symbolique sourçant cette ancienne organisation se maintienne encore au niveau des rôles et statuts des femmes et des nomades. Par un effet de glissement, se greffe sur le nouveau mode d'organisation socio-économique un système de valeurs en inadéquation apparente avec le type de logique qui se dégage des nouveaux rapports socio-économiques de l'Algérie des années quatre-vingt, quatre-vingt-dix et actuelles.
Les passerelles entre deux modes de production, deux systèmes de valeurs se précisent et la connaissance des mécanismes de passage ne peut se faire qu'en prenant en compte réalité économique, pouvoir politique et projection symbolique des groupes sociaux. La crise des mentalités exacerbe le désenchantement, soit cette sensation, perçue par tous les groupes sociaux sans exception aujourd'hui en Algérie, que le monde n'est plus ce qu'il était mais que tout ce qui est nouveau est aléatoire et n'a pas réellement de valeur. Il semble que le changement soit vécu douloureusement par tous et difficile à assumer dans cette impression d'un vécu vide de sens. La violence des forces en jeu dépasse les sujets sociaux. Celles-ci mettent en position de déstabilisation constante groupes sociaux et êtres, tous emportés dans une dynamique non maitrisée. Mais cette angoisse, ce mécontentement signifient aussi que ces êtres sont porteurs d'une vision plus réaliste du monde et sont plus responsables d'eux-mêmes.
Ils perçoivent que les causes réelles des bouleversements sociaux pourraient être humaines et non surnaturelles.
La naissance au monde est toujours tragique. Les naissances contrariées sont toujours dramatiques mais façonnent des histoires d'exception quand elles aboutissent en existences.
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