L'oeuvre ethnosociologique de Pierre Bourdieu sur l'Algérie peut être considérée, cinquante ans après sa réalisation, comme la plus connue et la plus utilisée dans l'espace des études anthropologique et sociologique algériennes et méditerranéennes en général, comme le montrent les nombreuses éditions, rééditions et traductions ainsi que les réactions que son oeuvre suscite dix ans après son décès. Cet usage reste cependant tardif, inégal et souvent cantonné aux pays de l'Europe occidentale et méridionale ainsi qu'à l'Amérique du Nord au Maghreb littoral plus particulièrement. Cette oeuvre encore mal connue dans les pays du Sud en général et du monde arabe et africain en particulier, évoque pourtant des problèmes et des problématiques extrêmement actuels pour nombre de ces sociétés anciennement colonisées, notamment à travers ce décalage et ce clivage , toujours présents , entre les impératifs objectifs des structures sociales et les dispositions subjectives des individu . En effet , les « travaux algériens » de P.Bourdieu qui ont fait la marque et la force de toute sa sociologie , comme disait Abdelmalek Sayad , n'aident pas seulement à comprendre le cheminement d'une théorie et d'une expérience scientifique qui a fait fortune dans le champ international des sciences sociales et de la sociologie en particulier , mais nous aident aussi à comprendre autrement la société algérienne des années 1950-1960 , décennie durant laquelle les Algériens ont « découvert » drastiquement et dramatiquement les choses par leur manque/absence pour ne pas dire par leur contraire : le travail par le chômage , le logement moderne par le bidonville , la justice par l'arbitraire , le temps par l'ennui , le calcul de projet par l'imprévision et l'insécurité de l'avenir .Les diverses contributions réunies dans ce volume donnent à voir la mesure de l'écho et de la réception internationale du modèle théorique de Pierre Bourdieu conçu dans « L'Algérie 60 ».
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