Pour Ibn Khaldun, l'Etat est un processus contradictoire, construit par une violence organisée, que son fonctionnement l'amène cependant à affaiblir, puis anéantir. C'est dans le monde "bédouin", où la violence des sgroupes est rendue nécessaire par le souci de se défendre et de survi- vre, que l'Etat va puiser la force nécessaire à son existence et à son main- tien. Cette force fond au bout d'un certain temps au feu de la pacifica- tion étatique, et doit être renouvelée.
Il existe donc une relation intime et délétère entre l'Etat et la tribu. L'une nourrit l'autre, et s'y engloutit. Ce mécanisme simple admet une infinité de variantes et de nuances que Gabriel Martinez-Gros étudie à la fois dans l'Introduction (Muqaddima) et dans l'Histoire universelle d'Ibn Khaldûn. Il s'interroge ensuite sur les conditions de pertinence de la théorie, de fait bien adaptée à une histoire impériale dont on peut repérer la mise en place en Orient dès le premier millénaire avant notre ère, mais que les royaumes hellenistiques ou l'Empire romain illustrent aussi. En revanche, l'histoire de l'Occident médiéval et de l'Ancien Régime ne correspond guère à ce schéma, et encore moins l'histoire des nations modernes. Mais une forme d'épuisement du progrès économi- que, la mise en cause des nations, le malaise des démocraties pourraient rendre actualité, dans nos propres sociétés, à la théorie d'Ibn Khaldûn.
Né en 1950, agrégé d'histoire, Gabriel Martinez-Gros est professeur d'histoire du Moyen Age à l'université Paris-VIII. Il a publié : L'Idéologie omeyyade (Bibliothèque de la Casa de Vélasquez, 1992) Identité anda- louse (Sindhad /Actes Sud, 1997) et, en collaboration avec Lucette Valensi, L'Islam en dissidence (Seuil, 2004). Il a en outre traduit: Ce que la culture doit aux Arabes d'Espagne, de Juan Vernet (1985), et De l'amour et des amants (Le Collier de la colombe), d'Ibn Hazm (1992), publiés par Sindbad.
 
Votre panier : | Fermer |