C'est en 1969 qu'un conseil des ministres, sous l'autorité du président Boumédiène, appelait à la création à Bou-Saåda d'un musée Étienne Dinet (1861-1929 ). La décision avait de quoi surprendre s'agissant d'un artiste français inscrit dans le courant orientaliste alors très décrié. En outre la France coloniale lui avait accordé toutes les marques de la consécration et la génération des peintres algériens issue de l'Indépendance rejetait sa démarche esthétique. Il est vrai que Dinet s'était converti à l'islam et qu'il avait demandé à être enterré dans son oasis d'adoption, Bou-Saâda.
Ce livre, sans ignorer l'attitude critique de Dinet vis-à-vis de la colonisation, rappelle la reconnaissance officielle que le peintre reçut de son vivant. Il analyse ensuite la version qu'il fallut donner de sa vie et de son oeuvre pour faire de lui «un maître de la peinture algérienne ». À travers les lectures de l'oeuvre de Dinet faites aux différentes périodes, il montre que la rupture entre l'époque coloniale et l'Algérie indépendante n'est pas aussi radicale qu'on l'affirme souvent. Comme si nous avions la captation d'un héritage honni mais finalement réemployé.
François Pouillon est ethnologue, spécialiste du monde arabe, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales et, accessoirement, fils de l'architecte Fernand Pouillon. Dans le cadre de recherche sur les représentations des sociétés musulmanes dans l'histoire, il conduit entre 1988 et 1993 des enquêtes sur Dinet en Algérie, et l'ouvrage a été publié en 1997. Pour cette édition, le texte a été mis à jour dans ses références et augmenté d'une postface.
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