La figure singulière de Lbachir Amellaê dans la vallée de la Soummam mérite d'être connue car elle est porteuse d'une histoire et d'une mémoire, spécifiques certes, à la région mais surtout partie intégrante d`un monde amazighe aujourd'hui morcelé et peu étudié.
La multiplication des trajectoires peut rendre explicites les modes de fonctionnement des mécanismes qui fondent une société et sa culture. Comment rendre compte de la spécificité de Si Lbachir si nous n'essayons pas de sortir du cadre restreint de la vallée ? On peut dire qu`à la fois dedans et dehors, ce dernier avait une fonction de célébration : chanter les bienfaits des dieux et des hommes. Les plus grands poètes, ceux qui étaient visités par le souffle poétique, étaient en quelque sorte hors norme et, du coup, hors société. Il en est ainsi des plus importants de ce siècle. Poètes errants, derviches, saints, devins. Tous étaient jugés et jaugés par leur maîtrise du verbe, comme si l'art était un signe d'élection qui plaçait le poète en dehors du groupe et du monde. À la fois semblable par bien des côtés (la forme du poème et une tendance évidente à la transgression), et différent de Si Mohand, Lbachir Amellaê est resté proche de la tradition poétique ancienne.
Tel le rais, il a poursuivi une trajectoire (poétique et musicale) à l'intérieur même de sa société, de son groupe, à l'instar des poètes-chanteurs Chleuhs.
Il n'a pas essayé de rompre avec son monde, ce qui montre un personnage parfaitement équilibré ayant établi une véritable synthèse entre les règles sociales (marié) et celles qu'exige la vie d'un artiste « ambulant » ( amedyaz, au sens de la tradition ).
Que la transgression, en réalité la célébration des amours interdites soient élevées à côté de l'amour des dieux et des saints, rien n'est aussi fondé en sens, car pour le poète ce n'est pas une entorse à la règle. Canal de son groupe, il ne fait qu'exprimer les désirs profonds et les fantasmes des siens.
Ce cheminement couronné par un retour à la mystique populaire n'est en rien scandaleux: c'est la voie poursuivie par de nombreux poètes et de raïs amazighs de l'Atlas et du Sous. Donner a connaître cette pratique poétique est un apport important à une culture qui reste encore à défricher. Emblèmes de la région, certains de ses poèmes resteront, parmi nous, des voix les plus éclairantes et les plus enrichissantes pour l'avenir de nos enfants.
 
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