Depuis Clausewitz, il y a une philosophie de la guerre qui voit en celle-ci "la continuation de la politique par d'autres moyens". Et ceci, dans une morale de l'efficacité qui est le propre de l'esprit occidental, traduit la certitude de trancher les problèmes humains par les moyens de la politique ou par ceux de la guerre, de les trancher de toute façon...
Or cette certitude a fait long feu. Notre génération est en présence de problèmes qui sont demeurés réfractaires à un demi-siècle de politique et à deux guerres mondiales. Dans les deux voies, il faut le constater, l'échec a été retentissant.
En fait, la morale du demi-siècle c'est qu'une politique inefficace parce qu'immorale conduit fatalement à une guerre immorale, et par conséquent inefficace, qui débouche de nouveau sur une politique qui a trouvé son meilleur interprète en Talleyrand pour qui "la faute" importait plus que "le crime". La crise dans laquelle se débat encore le monde tient au fait qu'on ne semble pas, en dehors de la voie qui conduit à une impasse, trouver d'autre voie que celle qui mène à une autre.
Pour essayer de voir par quelle issue le monde pourrait sortir de son cercle vicieux, il faudrait dire d'abord par quoi il s'y est trouvé engagé. Il est incontestable que depuis deux siècles, le monde a vécu sous l'empire moral et politique de l'Europe. Les problèmes auxquels ni la politique, ni les guerres d'un demi-siècle n'ont pu apporter de solutions efficaces résultent de cette haute direction européenne sur les affaires humaines. Le foyer de la crise se trouve dans la conscience européenne elle-même. Il se situe dans son rapport avec le drame humain. Ceci revient à dire que la crise tient moins à la nature des problèmes qu'à leur interprétation qu'il ne s'agit pas d'une crise des "moyens" mais des "idées". Toute politique pour être efficace doit adapter ses "moyens" à une certaine conception de l'ordre humain.
MALEK BENNABI
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