Longtemps, la mort d'Abane avait effacé sa vie, son parcours de militant et d'activiste politique, et même sa contribution déterminante à la libération de notre pays. Pourquoi ? La première réponse qui tombe sous le sens, est que depuis 1962, selon une loi non écrite, on ne rappelle pas le mérite d'un dirigeant, fut-il mort, dans une société massifiée par le dogme unanimiste au service de l'homme fort du moment. Mais il y a également qu'Abane est le premier dirigeant au sommet de la Révolution dont on sait avec certitude qu'il a été assassiné par les siens, dans des conditions obscures. Que cette mort nimbée de mystère et longtemps occultée, a été travestie en mort glorieuse au champ d'honneur. Le premier des plus gros mensonges algériens. Et enfin que cette mort, atroce en elle-même et de par le modus operandi, est un acte fondateur symbolique d'un système régi par la force et la brutalité, en déni de toute norme civilisatrice et démocratique. Aussi injuste fut-elle, la mort d'Abane et la dérive qui s'ensuivit ne doivent cependant pas escamoter une vie courte, certes, mais entièrement vouée à la cause de la résurrection nationale. Le voyage d'Abane Ramdane, destin de tragédie grecque, commence en ce jour de juin de l'année 1920 où le printemps n'est déjà qu'un lointain souvenir sur cette terre algérienne que l'été, impérial, envahit avant l'heure. De cette venelle d'Azouza, ce village où Camus, chroniqueur à Combat, est allé compatir à la misère des Kabyles, à cette sinistre ferme des faubourgs de Tétouan où l'attendait la mort, Abane Ramdane boucle trop précocement son périple initiatique. Nous allons le suivre à la trace, de son berceau natal à Alger de la Révolution, en passant par l'enfer carcéral d'Ensisheim. Nous l'accompagnerons dans sa périlleuse traversée de l'Ouest algérien, pré carré du colonel Boussouf, jusqu'à Tunis, destination finale du voyage. C'est dans la capitale tunisienne que commencera la dernière étape de son itinéraire politique.
Proche parent d'ABANE RAMDANE , Bélaîd ABANE est diplômé de Science politiques . Ancien professeur des universités en médecine , il consacre l'essentiel de sa carrière universitaire aux CHU d'Alger .
Depuis la fin des années 90 , il vit en France , exerce et enseigne dans un hôpital parisien de l'APHP , tout en se consacrant à la recherche sur l'histoire politique de la Révolution .
 
 
 
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